Iron Fist – marbre / granit / mortier / acier
(4x) 62 x 52 cm / 2018
L’image mythique est devenue pixélisée, comme autant de fragments d’une mémoire incertaine. On a déjà vu cette main qui se plie, mais où ? Ce geste en rappelle bien d’autres, dans cette invraisemblable polysémie du langage des mains, comme dans le flux des images de la pop culture qui inondent nos écrans et irriguent nos identités. Bruce Lee nous donne dans ses livres des conseils pour adopter les bons gestes du Kung-Fu et mieux débotter l’adversaire. Benjamin Desoche s’en amuse, isole un mouvement, le découpe, tire plusieurs images d’une main qui se ferme pour mieux devenir poing d’acier. C’est l’image du pouvoir, où gesticule la main, presque une image du sacré. On pense à Jésus au baptême, à l’empereur romain faisant vivre ou mourir les gladiateurs à l’amphithéâtre, à la dominatrice œuvrant aux orifices dans les chaumières ou les clubs SM. L’œuvre facétieuse, critique et légère à la fois, renvoie aussi aux relations humaines les plus ordinaires, de la main tendue et ouverte en signe d’amitié, jusqu’au coup de poing colérique que l’on s’apprête à donner, en passant par le pouce levé de l’auto-stoppeur qui espère poursuivre sa route. L’artiste, quant à lui, ne fait aucun geste fulgurant, sa méthode s’inscrit dans le temps long propre à la mosaïque. Il faut user de la grille pour dessiner, rassembler les tesselles de marbre, les ranger par nuances de gris, les coller minutieusement pour composer l’image devenue sculpture, la représentation numérique devenue matière. Le récit naît aussi de la découpe excessive du mouvement, de la confrontation entre imagerie pixélisée de la modernité et rugosité ancestrale de la mosaïque. On ne sait plus qui reprend quoi, qui décale quoi, tout se mêle et s’emmêle, s’attire et se repousse, dans un jeu continuel et captivant.
Florence Andoka / auteur et critique d’art
Vue de l’exposition à l’Atelier / Galerie Les 2 portes