Paysage Wi-Fi – dessin sur papier millimétré, feutre
(8x) 52 x 42 cm / 2018
Il y a un monde derrière le monde, il y a ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas. Il y a le visible et l’invisible, le palpable et l’impalpable. Bien sûr, il pourrait s’agir de métaphysique et au fond, peut-être est-il question de cela dans les Paysages wi-fi. Ces dessins sont ambigus, tiennent tout autant de la rigueur de certaines formes conceptuelles que de l’esthétique saturée des productions chamaniques ou asilaires. Des points noirs envahissent les feuilles de papier millimétré et composent des paysages empruntés à une autre planète. Selon la méthode classique de la mise au carreau Benjamin Desoche transcrit dans ces dessins, les images d’un logiciel pour téléphone mobile cartographiant les ondes qui nous entourent.
Comme souvent, dans le travail de l’artiste, l’image numérique retrouve une matière en s’affranchissant de la machine au profit du geste, les pixels devenant alors d’innombrables points réalisés à la main. Le paysage n’est pas seulement un objet perçu par un sujet dans lequel il se reflète selon la perspective romantique. Ici le paysage n’est pas intérieur, il est un bain, en l’occurrence un bain d’ondes, produites par des émetteurs plus ou moins puissants allant d’autres êtres humains à des machines en tout genre. Le paysage invisible n’est ni le monde des pulsions remontant des limbes de l’inconscient, ni même le lieu des esprits fantômes, il est le revers de la modernité, où le sujet est traversé d’un tissu de forces imperceptibles, dangereuses et sans aucun mystère.
S’attacher à prendre ce logiciel comme point de départ de l’œuvre est aussi une manière d’interroger la hiérarchie des valeurs et des forces de tous les éléments qui nous entourent. Il y a ce qui émet beaucoup et ce qui émet peu ou moins et ces forces sont transcrites numériquement par la machine pour mieux devenir des points, des lignes, des plans dans les dessins de Benjamin Desoche. La valeur graphique est donc relative à la force du champ magnétique aussi, les box des maisons se font voir davantage que leurs habitants, la machine se faisant encore menace d’un nouveau jour, force insoupçonnée, poison invisible certainement.
Florence Andoka / auteur et critique d’art