Rideau

Rideau – marbre gravé

360 x 240 cm / 2018

Texte de l’exposition Freak

Le «mythe du rideau» ne prend pas son origine dans les freak shows du milieu du 19éme siècle, mais il revêt une importance capitale pour ces spectacles souvent courts s’agissant le plus souvent d’expositions, au cours desquelles les freaks restaient immobiles, exhibés face au public. Le rideau, à l’origine, a une fonction d’usage, fonction pratique, appelée à dissocier des espaces tout en préservant leur communication. Il se place dans l’entre-deux de la scène et de la salle, du dedans et du dehors. Mais, plus important encore, il se transforme en barrière entre le public dit «normal» et les freaks, sorte de sécurité entre réalité et fiction. Il est le quatrième mur où l’imaginaire de l’acteur rencontre celui du spectateur. Car, il ne faut pas perdre de vue que la plupart des freaks étaient en quelque sorte des acteurs professionnels. Certains étaient de véritables vedettes, quelques-uns devinrent même célèbres et firent fortune. Les freaks travaillaient dans le show business et à ce titre, leur image publique était une construction. Être un freak n’est pas une qualité intrinsèque de la personne exposée. C’est quelque chose qui est fabriqué : une construction sociale, reposant sur des dispositifs et des pratiques.

Benjamin Desoche a choisi de construire ce rideau et non de le dessiner ou de le peindre pour, avant tout, faire écho à la construction du mythe des freaks, comment l’être devient monstrueux. De même, la technique qu’il a utilisée pour graver son motif dans la pierre est aussi une déclinaison d’un procédé architectural qui est utilisé pour la construction, cette fois-ci, de bâtiments. Elle consiste à rainurer la pierre en ligne pour ensuite venir casser les morceaux au marteau pour faire un effet d’écorchure. En construisant ce rideau en pierre immobile et figé dans le temps, Benjamin Desoche empêche le public d’avoir droit à un lever de rideau, le forçant à contourner le dispositif pour découvrir l’envers du décor, les coulisses d’un freak show. Il change par la même occasion l’angle de vision du public, l’ouvrant sur l’extérieur plutôt que de le refermer.